Mon coeur restera de glace

d'Eric Cherrière




La quatrième de couverture m'avait vraiment donné envie de découvrir ce roman, mais je ne m'attendais pas à vibrer autant!

Dès les premiers mots quelque chose se passe:

"Maman a essayé de me tuer. Elle croyait que j'étais trop petit pour me défendre, pour nous défendre mon frère et moi. Je sais qu'elle nous aime, mais quand elle nous regarde, c'est notre bonheur d'avant qu'elle voit. Ses mains, ses yeux et même son odeur ne sont plus commandés par son coeur mais par la guerre. C'est aussi pour nous en protéger que maman a essayé de nous tuer. Mon coeur à moi, il restera de glace, et rien ni personne de le possèdera jamais."

L'irréparable est déjà posé. Les changements profonds que la guerre opère en chacun, vivants, morts, revenants.

Les chapitres se succèdent, nous faisant entrevoir des bribes de l'histoire: 1918, un petit garçon qui s'enfuit dans la forêt avec son frère, revenu en morceaux du front, Lucien Faure, un maire, un père, un grand-père dévasté par la perte de ses garçons ; 1944, une action punitive des SS, une embuscade dans la forêt ; 2020, le Croquemitaine, 101 ans, SS sanguinaire, sort peu à peu d'un état grabataire et ne veut parler qu'à un descendant de la famille Faure, un rendez-vous avec l'histoire que les chercheurs ne veulent pas rater.

Le roman est court mais vraiment très intense. On perçoit à chaque page la difficulté des choix, le poids des décisions et des actes, ce que la violence a abimé irrévocablement, mais aussi à quoi on se raccroche au milieu de tout ça.
L'auteur nous fait ressentir avec ces récits croisés la complexité des choses, malgré l'horreur et la violence qui est dépeinte, dur de savoir de quel côté est l'ombre, de quel côté est la lumière. Au milieu de toute cette noirceur, de cette haine et de ce désir de vengeance il y a pourtant de nobles élans, des sentiments sincères, du respect, de l'honneur, une envie de justice, de l'amour...

Je suis particulièrement sensible aux liens et aux histoires transgénérationnelles, alors il n'est pas surprenant que j'ai autant apprécié cette lecture. Et puis ce coup de maître de l'auteur à la fin du roman qui donne encore une autre dimension à ce récit...

Présentation de l'éditeur:

Il existe au cœur du cœur de la forêt un endroit où vivent les sapins les plus anciens, protégés du vent comme de l’exposition au soleil, de la pluie, de la neige. Protégés aussi du regard des hommes. Une combe lointaine et tempérée qui fut un jour une frontière infranchissable devant laquelle l’enfant s’était dit « Quand je serai grand, je vivrai là. »

Dans ces bois du fin fond de la Corrèze, un jeune garçon trouve refuge en 1918, en compagnie de son frère, une « gueule cassée ». Une guerre plus tard, des soldats allemands s’y enfoncent, sur les traces d’une de leurs unités disparues. Ces mêmes arbres que l’on retrouve en 2020, peints sur les murs de la chambre d’hôpital d’un vieillard allemand. 

Aujourd’hui le vieil homme va parler. Révéler le secret de cette forêt qui ébranlera bien des existences, bien des certitudes. Bien des familles.

De 1918 et 1944 à 2020, Mon cœur restera de glace couvre un siècle de guerres fratricides. Ce roman noir, qui explore les destins d’individus ordinaires perdus aux carrefours de l’histoire, est aussi le roman de la beauté face à la violence. De ces fleurs qui poussent sur les champs de bataille.



Je remercie les éditions Belfond pour ce partenariat. 

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